Un éloge du noir et du blanc
Il y a peu, nous abordions l’esthétique spécifique de Liaigre sous l’angle de son univers chromatique… Les deux « extrémités » que sont le noir et le blanc tiennent une place spécifique au cœur de cette palette. Il existe chez Liaigre un langage du noir et blanc ou du noir et du blanc, ces deux couleurs n’étant pas systématiquement déclinées ensemble…
Voir les détailsIl y a peu, nous abordions l’esthétique spécifique de Liaigre sous l’angle de son univers chromatique… Les deux « extrémités » que sont le noir et le blanc tiennent une place spécifique au cœur de cette palette. Il existe chez Liaigre un langage du noir et blanc ou du noir et du blanc, ces deux couleurs n’étant pas systématiquement déclinées ensemble… Mais de quoi parle t’on au juste ? Pour répondre rapidement, on pourrait évoquer un idéal artistique, une réflexion sur le trait, une partition décorative qui se focalise sur l’essentiel. Il y a dans ce parti-pris quelque chose de net, un désir assumé de retenue, l’hypothèse d’une élégance cultivant la synthèse des formes… Mais l’épure de cette écriture est paradoxalement le lieu d’une liberté créative qui s’exprime à travers un subtil sens de la nuance. Ces deux couleurs absolues que sont le noir et le blanc, s’avèrent aussi sensibles que radicales : elles excellent à exprimer la lumière ou l’obscurité, la brillance ou la matité… Ce faisant, ces nuances qui ne jouent que sur la perception de la lumière renvoient à un choix de matériaux susceptibles d’en moduler les effets, là encore la diversité des matières et des finitions développées par le Studio Liaigre font toute la différence.
FermerDe l’art du trait Lorsque l’on associe le noir au blanc, l’une des premières images qui vient à l’esprit est celle du rapport de l’encre au papier, qu’il s’agisse de nos écritures manuscrites ou de l’art de la calligraphie… Ce noir et ce blanc renvoient aussi au dessin (mine de plomb, fusain, pierre noire, encre de chine) et à la manière dont le trait s’exprime à travers une succession de jeux de nuances, ou au contraire à la façon dont il s’inscrit franc, synthétique et pur sur le papier. Cette seconde option marque l’avènement de la modernité : celle d’Henri Matisse dont la ligne ne se surcharge d’aucun détail ; ou celle d’Ellsworth Kelly, qui lorsqu’il dessine des motifs végétaux sur de grands formats de papier s’inspire de la ligne pure de Matisse dont la grande simplicité excelle à exprimer le vivant. Cette économie du dessin traduit une recherche d’élégance authentique : dans l’histoire du mobilier cet idéal est celui de la fin du XVIII ème siècle français
où le style dit « Louis XVI » des ébénistes Jacob ou Riesener privilégie la simplicité des lignes. C’est aussi la démarche de certains grands décorateurs des années 1920, qui à l’exemple de Ruhlmann s’orientent vers cette même rigueur du trait. Chez Liaigre cette rigueur de la ligne est une constante… Pas un meuble, pas un luminaire n’échappe à cette conception de la ligne claire, efficace, réduite pour cerner au plus près la forme, de sorte que chaque création s’inscrit de manière très « graphique » dans le contexte spécifique d’un décor, et cela quelque soit ce décor… Rien de tel que le noir ou le blanc pour porter au plus haut cette esthétique. Dans une radicalité exigeante Liaigre conçoit des intérieurs dont l’identité repose sur ce parti-pris, déclinant haut et fort le noir ou le blanc en mode majeur, ou créant un jeu de bichromie et de contrastes entre ces deux opposés qu’une même histoire unit.
Ombres et lumière Parlons d’histoire… Car lorsque l’on évoque la couleur il est d’abord question de culture… Chaque culture détient son propre nuancier, sa lecture symbolique, sa grille de lecture et ses codes, ses engouements ou rejets. Rappelons pour commencer que durant des siècles l’Occident ne considère pas le noir et le blanc comme des couleurs, mais comme des tonalités « achromatiques » ! Des tonalités qui donnent corps à la notion de néant ou de vide, mais ont également pour fonction d’exprimer la lumière ou l’obscurité, la transparence ou l’opacité… Le XXème siècle changera la donne, en modifiant cette perception binaire du noir et du blanc, un changement de point de vue redevable à une ouverture sur d’autres cultures et civilisations ( principalement celles du Japon, de la Chine, de l’Orient au sens large). D’opposées, les deux couleurs deviennent complémentaires à l’image du yin et du yang indissociables. Les avant-gardes du début du siècle et notamment Kasimir Malévitch
avec ses tableaux abstraits des années 1915 : la croix noire, le carré noir sur fond blanc ou le carré blanc sur fond blanc contribuent à poser ce langage chromatique dans l’art du XXème siècle… Viendront d’autres artistes : Robert Ryman dont l’oeuvre se focalisera sur la couleur blanche, mais aussi Pierre Soulages dont le concept d’outrenoir fera la démonstration des capacités de ce dernier à générer sa propre lumière et à exprimer d’autres tonalités (rouge, bleu, violet). Dans le vocabulaire esthétique de Liaigre le noir et le blanc se déclinent dans une gamme étendue de modulations jouant sur la lumière, la matité ou l’opacité. La subtilité de ce langage résulte d’une réflexion sur les matières et ce qu’elles génèrent en termes de perception et de ressenti.
Effets de matières - Depuis toujours, le style de Liaigre est associé à un éventail de matériaux et de finitions susceptibles d'offrir une grande variété de choix. Ces mêmes matériaux et finitions permettent d'exprimer un grand nombre de nuances, particulièrement fines et subtiles lorsqu'il s'agit de couleurs aussi radicales que le blanc ou le noir. On pourrait plus justement parler de gammes de blancs et de noirs non pas nuancées par une légère pointe d'une autre couleur ( comme on le conçoit généralement) mais par une texture, une matérialité. Ainsi la laque noire ,lisse, brillante, profonde réfléchit son environnement et laisse glisser la lumière au fil de la journée, modifiant l'intensité du noir selon l'éclairage naturel ou électrique... Le bronze patiné noir ou blanc suivant qu'il soit lisse ou texturé va accrocher différemment la lumière, sans parler du cuir lisse ou grainé, du bois noirci ou brossé ! Cette réflexion sur les matériaux adoucit la rigueur du trait : là où l'expression d'un dessin très retenu aurait pu tomber dans un minimalisme un peu sec, la relation délicate aux matériaux donne au trait épuré toute sa poésie...
Robert Ryman, Classico 5, 1968 / Une banquette en cuir.
Robert Ryman, Classico 5, 1968 / Une banquette en cuir.
Effets de matières - Depuis toujours, le style de Liaigre est associé à un éventail de matériaux et de finitions susceptibles d'offrir une grande variété de choix. Ces mêmes matériaux et finitions permettent d'exprimer un grand nombre de nuances, particulièrement fines et subtiles lorsqu'il s'agit de couleurs aussi radicales que le blanc ou le noir. On pourrait plus justement parler de gammes de blancs et de noirs non pas nuancées par une légère pointe d'une autre couleur ( comme on le conçoit généralement) mais par une texture, une matérialité. Ainsi la laque noire ,lisse, brillante, profonde réfléchit son environnement et laisse glisser la lumière au fil de la journée, modifiant l'intensité du noir selon l'éclairage naturel ou électrique... Le bronze patiné noir ou blanc suivant qu'il soit lisse ou texturé va accrocher différemment la lumière, sans parler du cuir lisse ou grainé, du bois noirci ou brossé ! Cette réflexion sur les matériaux adoucit la rigueur du trait : là où l'expression d'un dessin très retenu aurait pu tomber dans un minimalisme un peu sec, la relation délicate aux matériaux donne au trait épuré toute sa poésie...