"Liaigre : 12 Projets", retour sur une réédition
Début 2015, Liaigre et les éditions Flammarion publiaient Liaigre : 12 Projets. Cette même année 2015, Christian Liaigre quittait la maison qu’il avait fondée au milieu des années 1980.
Ce livre, bien que n’étant pas le premier ouvrage consacré aux réalisations signées par Christian Liaigre et ses équipes, marquait donc un tournant. Si cette monographie ne dressait en aucun cas un bilan, les dix années qui se sont écoulées depuis sa publication permettent de la considérer comme une feuille de route et/ou comme un carnet d’inspiration, énonçant au détour des pages quelques uns des fondamentaux qui ont fait et font encore, le style et la notoriété de Liaigre. Régulièrement consulté par le studio de création de la Maison, ce livre a également connu un franc succès auprès du public jusqu’à être totalement épuisé, de sorte que Liaigre et Flammarion ont décidé de sa réédition.
Au printemps 2025, l’ouvrage consacré à ces douze projets est de nouveau disponible et promis comme toutes les monographies consacrées à la Maison à un succès international. Feuilleter ce très beau livre offre d’une réalisation à l’autre, une plongée dans l’univers de Liaigre et dans un vocabulaire esthétique singulier et pérenne.
Début 2015, Liaigre et les éditions Flammarion publiaient Liaigre : 12 Projets. Cette même année 2015, Christian Liaigre quittait la maison qu’il avait fondée au milieu des années 1980.
Ce livre, bien que n’étant pas le premier ouvrage consacré aux réalisations signées par Christian Liaigre et ses équipes, marquait donc un tournant. Si cette monographie ne dressait en aucun cas un bilan, les dix années qui se sont écoulées depuis sa publication permettent de la considérer comme une feuille de route et/ou comme un carnet d’inspiration, énonçant au détour des pages quelques uns des fondamentaux qui ont fait et font encore, le style et la notoriété de Liaigre. Régulièrement consulté par le studio de création de la Maison, ce livre a également connu un franc succès auprès du public jusqu’à être totalement épuisé, de sorte que Liaigre et Flammarion ont décidé de sa réédition.
Au printemps 2025, l’ouvrage consacré à ces douze projets est de nouveau disponible et promis comme toutes les monographies consacrées à la Maison à un succès international. Feuilleter ce très beau livre offre d’une réalisation à l’autre, une plongée dans l’univers de Liaigre et dans un vocabulaire esthétique singulier et pérenne.


Depuis le départ de son fondateur en 2015, Liaigre a su garder son identité (celle d’un studio de création) et son ancrage parisien tout en multipliant les showrooms à travers le monde et en répondant au contexte spécifique de la globalisation.
L’esprit Liaigre jalousement préservé a fait école au sein des équipes et cette transmission, qui s’incarne à travers les différentes générations qui travaillent côte à côte au studio et dans les showrooms, s’articule assez naturellement. Mais au-delà de cette apparente simplicité, il est permis de s’interroger sur ce qu’est véritablement un héritage.
Cette question qui touche tôt ou tard toutes les marques de luxe renvoie à des notions que l’on a l’habitude d’aborder en parlant d’ADN, de fondamentaux, de vocabulaire ou encore d’esprit.

Au cours des dix dernières années, Liaigre n’a eu de cesse d’approfondir cette réflexion. Les différents livres consacrés aux réalisations de Christian Liaigre comme l’expérience de celles et ceux qui avaient travaillé et grandi à ses côtés ont nourri les jeunes équipes, mais le temps aussi a fait son œuvre… C’est sans doute ce passage du temps et avec lui l’analyse objective de l’identité et du style de Liaigre qui permettent aujourd’hui de regarder en arrière sans nostalgie et de se replonger dans l’ouvrage de 2015 présentant ces 12 très beaux projets.
Ce livre s’ouvre sur un héritage, celui légué par le fondateur d’une maison de création qui, au fil du temps, a mis au point les principes et les éléments de langage d’un vocabulaire qui demeure le socle de la réflexion des équipes de Liaigre.
Une base solide sur laquelle on peut à la fois s’appuyer et prendre son élan, ou pour le dire plus clairement, un socle à partir duquel on peut imaginer, créer toutes sortes de développements, de prolongements qui sans trahir l’esprit de Liaigre lui confèrent une fraîcheur et un ancrage dans un art de vivre en permanente réinvention.



Christian Liaigre était un homme de convictions, créer sa maison lui a permis de partager avec des clients internationaux sa conception d’un art de vivre contemporain et ses points de vue sur la décoration. Il faut revenir ne serait-ce qu’un peu sur le contexte dans lequel il s’exprime pour la première fois au milieu des années 1980 pour comprendre ce qui a sans doute marqué d’emblée sa différence. Les années 1980 en France sont marquées par la volonté d’affirmation de nouvelles générations de créateurs et de créatrices qui cherchent à s’inscrire dans un air du temps qui se réclame à la fois d’une écriture volontiers post-moderne et high tech, et d’un goût affirmé pour la décoration théâtrale et baroque. Face au déferlement d’images et d’esthétiques contradictoires et éclectiques, Christian Liaigre avance en proposant d’une main très assurée des créations qui ne revendiquent pas l’air du temps mais l’affiliation à une longue histoire du mobilier français qui s’appuie sur des exigences de savoir-faire, la noblesse des matériaux mis en oeuvre et la pérennité des formes. Il se livre à une savante réinvention du classicisme français partant des formes épurées de la fin du XVIIIème siècle et du Néo classicisme pour en arriver aux années 1920 et aux créations de Jean-Michel Frank, Pierre Chareau ou Paul Dupré Lafon, sans oublier son admiration pour la culture japonaise et sa relation à un luxe invisible qui s’affirme par l’usage… Son mobilier fait l’éloge d’une évidente simplicité, imposant des lignes nettes mises en valeur par de beaux matériaux naturels, des proportions parfaites et une production artisanale. Ces aménagements trahissent sa conception d’une architecture intérieure qui fait la part belle à l’espace et au vide assumé.
Cette identité singulière se dévoile dans le premier showroom que Christian Liaigre inaugure rue de Varenne, sur cette rive-gauche de Paris, quartier des éditeurs et des antiquaires où son style remarquablement retenu (en comparaison avec ce qui se réclame alors du design) fait mouche auprès d’une clientèle en quête d’une modernité qui s’énonce dans une consistance revendiquée.


De ces bases ou de ce socle, que garde-t-on aujourd’hui ?
D’abord un état d’esprit, car en ne cédant pas à la tendance, Christian Liaigre a développé un anticonformisme qui a fait style.
Mais au-delà, la plupart des fondamentaux qui s’imposent au fil des réalisations et des créations allant du mi-temps des années 1980 jusqu’à 2015 sont encore les bases d’une réflexion développée par le studio à chaque nouveau projet.
Certaines de ses réflexions ont été érigées en principe, à l’exemple du “fit the context” c’est-à-dire de la prise en compte du contexte dans lequel naît un projet : pays, climat, paysage, situation, commanditaire… Cette approche est un préalable, qui permet au studio d’écrire sa feuille de route à la manière d’un scénario personnalisé et unique, c’est cette manière de travailler qui explique la diversité des réponses apportées à celles et ceux qui confient leur maison, leur appartement, leur yacht aux équipes créatives du Studio. Dans le même esprit, il est important de souligner que chaque élément de mobilier, chaque luminaire ou accessoire figurant au catalogue ont été préalablement dessinés dans le cadre d’un projet spécifique, immanquablement certains de ces objets font figure d’icônes tant ils résument l’identité de la Maison.

Une certaine retenue, s’est elle aussi érigée en principe créatif… Il ne s’agit pas de minimalisme au sens où on l’entend, mais d’une ascèse du dessin qui évite le superflu sans jamais tomber dans la dureté ou la sécheresse. Simplement la notion de décor ou de motif est revue à l’aune d’une volonté de privilégier la beauté du matériau naturel (bois, pierre, bronze, cuir, tissu, laque, verre, céramique…) et de ses finitions. Cette beauté épurée est aussi exprimée à travers une approche des proportions qui envisage l’usage et fait de ce dernier un élément de réflexion déterminant, sans oublier l’expérience sensorielle des matériaux, leur apparence et leur toucher ou contact.

Quant à la couleur qui fait partie de ce vocabulaire créatif, elle est omniprésente mais utilisée chaque fois avec un parti-pris précis : il peut s’agir de touches de couleurs qui sont autant d’inflexions qui vont donner vie au décor, ou au contraire de tonalités qui ne sont pas immédiatement visibles parce que subtiles et que la lumière naturelle ou artificielle révèle. Sans oublier cette palette de tons naturels allant des blancs, beiges et bruns à toutes les nuances de gris et de noirs qui ont largement participé à l’écriture stylistique de la Maison.


En amont aussi, est envisagé le rapport au temps, il y évidemment la pérennité des formes qui s’inscrivent dans une sorte de modernité permanente, mais aussi l’idée que les matériaux mis en œuvre doivent traverser harmonieusement les décennies. Ces éléments de langage très brièvement résumés ont contribué à donner une autre définition du luxe, tel que Liaigre l’envisage. Le luxe ici se révèle à travers le détail, il cultive la discrétion et la profondeur, il est quintessence plus que signe visible et réclame une certaine forme d’écoute, une expérience. Cette expérience est celle vécue dans un lieu signé Liaigre qui offre à la fois un confort visuel, une générosité des proportions, un souci d’ergonomie et de liberté de mouvement, une sensation globale de bien-être, autant de qualités à la fois objectives et sensibles, pour ne pas dire émotionnelles. Ces valeurs, ces qualités sans cesse retravaillées offrent aux équipes créatives un immense champ d’action, partant de ce socle, de cet ADN fondateur tout peut être réécrit le principe du “fit the context “ proposant à lui seul une approche que chaque projet vient renouveler.
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