Françoise Pétrovitch, Verdures
Au dernier étage de l’adresse rive droite de Liaigre, 77, rue du Faubourg Saint-Honoré, l’artiste Françoise Pétrovitch présente un ensemble de tableaux récents, conçus précisément pour les lieux. Pensé comme une maison, à l’opposé d’un « white-cube », l’espace d’exposition permet aux peintures de s’offrir dans une très grande proximité avec le spectateur.
Courtesy : galerie Semiose, Paris
Photos : A. Mole, H. Plumet
Texte : Laetitia Chauvin
Au dernier étage de l’adresse rive droite de Liaigre, 77, rue du Faubourg Saint-Honoré, l’artiste Françoise Pétrovitch présente un ensemble de tableaux récents, conçus précisément pour les lieux. Pensé comme une maison, à l’opposé d’un « white-cube », l’espace d’exposition permet aux peintures de s’offrir dans une très grande proximité avec le spectateur.
Courtesy galerie Semiose, Paris
Photos : A. Mole, H. Plumet
Texte : Laetitia Chauvin
Sous la lumière filtrée par les baies de cet ancien atelier d’artiste, petits et grands formats s’exposent à hauteur de regard. Les cadrages serrés sur les sujets exaltent le motif central, prétexte au tableau, mais aussi point nodal vers lequel convergent toutes les forces, lignes et plages de couleurs.
À l’intimité des lieux répond une intimité des sujets, rassurants, calmes, silencieux, presque secrets, pour reprendre le titre de l’une des toiles, où deux jeunes gens se font face, la fille fermant la bouche du garçon de sa main. Ailleurs, les chiens dorment, paisibles, au pied du lit ou sous la table.
Intitulée Verdures, l’exposition réunit des toiles qui ont pour trait commun la couleur verte, qu’elle soit discrètement posée par touches ou vibrante en grands aplats.
« Verdures » désigne surtout, dans le langage de la tapisserie, une tenture dont le décor est principalement végétal – arbres, fleurs ou feuillages – et éventuellement peuplé d’animaux – courants, exotiques ou fantastiques. Ces verdures, tissées notamment à Aubusson et très prisées tout au long de la Renaissance, décrivent un paysage fantasmé, où la nature s’arpente comme un jardin décoratif et les animaux sauvages s’apprivoisent docilement. Cette nature domestiquée est aussi celle des chiens ou des bosquets chez Françoise Pétrovitch.
La symétrie – gage d’élégance en décoration ou au contraire ressort fantastique dans la fiction – joue sa partition dans de nombreux tableaux de l’exposition. Paire ou répétition dans les Gants, projection ou écho dans Île, reflet rêvé dans Paysage au cygne, le principe du double surgit souvent dans l’oeuvre de Françoise Pétrovitch où, s’il opère comme une formidable ressource de composition, distille, aussi, un doute. Miroir magique ou ombre fantôme produisent comme un bégaiement de l’histoire ou une distorsion des apparences. Car la reproduction du réel n’est pas l’affaire de l’artiste, qui préfère les effets de peinture, telle la dilution des motifs dans Paysage au cygne, Île ou encore Dog 3, où le paysage, qu’on dirait liquide, fond sur les protagonistes.
D’autre part, on retrouve tout au long de cette exposition, le sens aigu de Françoise Pétrovitch pour les couleurs, sa recherche si caractéristique pour des rapprochements acides, osés, des teintes entre-deux difficiles à qualifier, sans oublier le rouge, en ponctuation ou en trait de contour, devenu sa signature. Les peintures balayent des spectres lumineux très larges, du plus clair au plus obscur, appuyant leurs effets sur des oxymores – lumières sombres et obscurités claires – au mystère enchanteur. L’ensemble de l’oeuvre de Françoise Pétrovitch compose un univers en soi, changeant comme au rythme des saisons et des jours, de la nuit au matin, et peuplé d’êtres et de végétaux. Adolescents, oiseaux et fleurs partagent un même état de transition et une façon éthérée d’être au monde.